jeudi 24 octobre 2013

La dame à la licorne


Installée sur un coussin de brocard près de la princesse dont le corps voluptueux charmait les correspondants coréens en visite, la licorne lisait le Coran tant et tant consulté que les pages en étaient cornées.

On entendit au loin une musique dont le son s’amplifia rapidement.

« Riquita, jolie fleur de Java… »s’écria la Princesse dont le regard énamouré fit imaginer des souvenirs brûlants à son entourage, composé, je le rappelle, de correspondants coréens en visite ce jour-là.

« Cornebleu ! » hurla le Prince dont les cornées injectées de sang laissaient deviner que la jouvence de l’Abbé Souris n’était pas son seul réconfort.

« Cornegidouille, tempêta encore le Prince, je ne veux pas d’Yvette Horner et de son diabolique accordéon dans ma demeure !

Il se précipita dans le corridor et on assista alors à un terrible corps à corps :

Yvette Horner habillée par Jean-Paul Gauthier , c'est-à-dire en soutien-gorge aux bonnets pointus de métal blindé contre le Prince dont l’armure commençait à se découper suivant les pointillés...

« Espèce de pécore, enlevez ce corset ridicule où il vous en cuira ! »

« Espèce de Cornecul ! criait Yvette apprenez à respecter mon Art ! »

« vous me revaudrez toutes ces écorchures qui zèbrent mon thorax, répliquait le Prince , fort déçu par la qualité , pourtant made in Germany, de son harnachement.
 « Nulle corrida dans la cour de mon oncle, Alphonse le Corrompu, à l’Escurial ne m’a ainsi blessé et la princesse peut corroborer mes dires ! »
 
La princesse interpellée atténua d’un geste évasif la véracité de cette affirmation.
 
L’aïeul, Don Pérignon, qui cherchait à comprendre de quoi il retournait , trouva enfin son cornet , crut saisir un passage de la diatribe de son gendre :

« encore il dort ? » cria-t-il de sa voix aigrelette.
 
Bousculé par les deux belligérants, son bicorne à peine retenu par un nez proéminent, pendait tristement en lui cachant les yeux . La licorne, toujours charitable, d’un coup de tête adroit le remit en place.
 
Don Pérignon,décillé, vit alors Yvette Horner , la saisit à bras le corps et ils coururent à corps perdus vers la sortie.
 
Les gardes, alors, sonnèrent la charge en soufflant dans leur cor.

Ecumant de rage,le Prince s’élança à la poursuite des deux octogénaires , écartant les gardes , les coréens, la princesse, et sautant par-dessus la licorne.
 
Mais...
 
Il ne faut jamais sauter par-dessus une licorne.


(C) Monique FAUCHER

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire