lundi 28 juillet 2014

Non la nuit n'est pas que la nuit


La preuve : je me suis promené l’autre nuit dans les chambres des autres, pas celles de mes enfants, non ça j’ai l’habitude, de bisouter mes 2 nounours béats dormant aux anges, une jambe au dessus de la couette et les 2 bras en l’air…Non, la nuit de mes oursins, c’est la vraie nuit, la nuit-nuit, la nuit normale, le nuit angélique…

Mais la nuit chez les autres, là c’est autre chose, la nuit dans les chambres des autres, je suis allé voir, et ça vaut la visite, je peux vous le dire…

Tout près de chez moi, la voisine, savez ce qu’elle fait la nuit ? Elle se coupe rageusement les ongles de pieds assise de travers sur le bord de sa baignoire, dans le noir, avec des envies évidentes de se couper tout le reste du pied pour anesthésier son malheur. Mais oui, elle est malheureuse la nuit ma voisine, elle est malheureuse de dormir à côté de cet homme qu’elle croyait aimer, cet homme qui l’ignore depuis des années, cet homme qu’elle a choisi devenu l’étranger quotidien …Lui, on dirait qu’il attendait ce moment où elle se lève avec sa souffrance chevillée à la poitrine, ce moment où elle part cacher sa souffrance dans le noir de la salle de bain, ce moment où elle part ronger sa peine et ses ongles. A peine s’est elle levée, je l’ai vu, croyez moi, j’y étais, il s’est étalé, plus à son aise que jamais, sur toute la largeur du lit, presque soulagé, comme si c’était non seulement normal qu’elle ait quitté le lit du couple, mais même comme si c’était meilleur d’être seul…Et il sourit, je vous promets, je l’ai vu, il sourit en s’étalant…C’est un pervers c’est sûr ! Une nuit, c’est lui qu’elle découpera en lamelles avec son coupe ongles !

Et puis celui là qui rentre tard et qui la réveille toutes les nuits, chaque fois, chaque nuit, parce que c’est normal qu’elle l’attende quel que soit l’état d’avancement de son sommeil, parce que c’est normal qu’elle soit fraîche et accueillante au beau milieu de ses rêves entamés. Il est en train de lui ronger la santé à petit feu à sa douce ! Mais que lui importe à lui du moment qu’elle l’attende ! Du moment qu’elle ne le déçoive pas !

Et puis cet autre qui dort tout habillé, tout botté, jamais rasé, qui cherche dans son sommeil haché une raison d’espérer malgré tout, qui cherche un boulot, qui cherche une raison, qui cherche une oreille une âme sœur. Il ne se regarde plus dans la glace, il n’y croit presque plus, il cherche dans ses cauchemars une ultime raison, une dernière réponse, il cherche quelqu’un qui lui dirait qu’il a raison de chercher encore…

Et ceux là ? Mais…ils sont 3 ? C’est toujours le même qui se retrouve au milieu ? Quel cauchemar… !

ET puis ces 2 là, ha tiens ils s’aiment, ça ça fait pas un pli. A peine le 8ème né !

Il y a ceux qui dorment dans leur hamac, parce que ça berce, c’es plus original qu’un lit, ha ! Quelle aventure ! Ceux qui dorment la bouche ouverte, les yeux ouverts, les pieds en canard, ceux qui dorment debout, ceux qui dorment tout éclairés, les anxieux, les névrotiques, veillés par un petit lapin dans la prise, ceux qui se battent avec un moustique, et paf une claque sur la cuisse, et paf, une autre sur le pif de leur femme, ceux qui n’osent plus respirer, ne bougeons pas, chut ! Moins fort ! y a bébé d’amour qui dort enfin, affalé de tout son saoul sur le poitrail de papa après une soirée de lutte…ceux qui mangent en cachette, qui ont des Figolu cachés sous l’oreiller, qui mâchent les mâchoires bien serrées pour ne pas se faire pincer « ho non ! Ne me dis pas que tu manges encore dans le lit ! Non non non ! Pitié ! », ceux qui font pipi au lit, ceux qui ont les jambes par-dessus la tête, « ça circule mal », ceux qui reniflent leur mouchoir d’eucalyptus pour ouvrir les sinus, ceux qui font semblant pour éviter le bilan de la journée conjugale, ceux qui se tournent, se retournent, se reretournent, les nerveux les excités, ceux qui font le nounours qui se balancent, qui ont du mal à retrouver les sensations béates de leur vie prénatale, ceux qui parlent dans leurs rêves qui avouent tout qui ne pourront jamais avoir de double vie, ouf !, ceux qui se cognent contre les murs, qui perdent le sens en route, qui ne savant jamais où sont les repères, le haut du drap, le bas du lit, de quel côté le réveil pour demain matin ?, les déboussolés, les somnambules au lit, ceux qui appellent moman jusqu’ à devenir centenaire, les mal aimés, les effrayés, les fragiles, toujours en manque, ceux qui se droguent au tilleul et à la camomille pour entrer dans un doux apaisement, ha que c’est bon quand tout se calme !, et qui se relèvent toutes les 3h pour évacuer les litres de pisse mémé, ceux qui prient avec ardeur pour le salut du monde, ceux là ce sont les efficaces, rien ne les arrête, même quand ils dorment, et grâce à eux le monde tourne lumineux, encore un peu lumineux dans ce bric à brac informe…

Non, vraiment la nuit n’est pas que la nuit

La nuit est la promesse d’un autre matin…d’un beau matin
 
 
(C) Marine DE CHARRIN

 

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