lundi 6 février 2017

J'ai cru que c'était un poème



J’ai cru que c’était un poème 

Ouvrez moi cette porte que j’aille ébouillanter cette peste, arracher ses joujous et sortez-vous de d’vant, tas de vieilles morues putrides et pauv’ mioches morvisants.

La vie est une sale garce qui m’a donné une truie comme semblant d’épouse.

Tu regardais où la providence quand le curé nous a mariés ? Tu t’es saoulé la veille, ma belle étoile en toc !

Avec le p’tiot qui supplie et la mémé qui râle comme si elle avait gobé un rat plein de rage, je peux rien décider de moi-même !

Et de tous les corniauds du village, y en aurait pas eu un pour me prévenir ?

Te souviens-tu du jour si clair, cette aube bleue où tu as vu un mirage ? Pense aux trésors découverts dans les lagons, ces caresses extatiques où nous avons vaincu toutes les peurs du monde pour nous chérir plus fort.

Vagues dans le bide. Vieux relents d’alcool trop vaseux, de pauvres croûtons caoutchouteux.

Une arnaque de la sorte, j’m’en remets pas.

Et les autres qui se bidonnent comme si c’était mardi gras.

Je m’en souviens comme hier, mon amour, ta promesse de me porter sur les montagnes, là où la terre de s’affaisse pas, ne jamais flancher et rire éternellement.

Un soir où je devais pas tourner rond sûrement, en orbite sur nos deux pieds on en serait jamais venu là.

Auprès des autres on pensait faire bonne mine,

Dans le fond je l’ai toujours su et puis un jour

Quelqu’un m’a dit que j’étais maudit !

Un autre qui tombait pas encore de la dernière pluie, tiens, un freluquet avec des histoires à coucher dans le ruisseau et jamais s’en relever.

L’on pouvait pas prévoir que la sirène de la fontaine deviendrait la sorcière du marécage.

Et toi qui rit comme une chèvre. Tu m’as eu, tu m’as bafouillé la tête et ruiné les idées, je vais vider cette bouilloire sur ce cauchemar et ils verront tous, les marmots, quel succube tu fais ! Oh, sinon, c’est moi qui me brûlerai la cervelle !


(C) Julie NARAT

mercredi 1 février 2017

Confession silencieuse



Tout commence par un adieu. Du balcon, sa main sortie de la portière, dernier signe, pâle reflet de notre belle histoire.

C’est tout ce qu’il me reste, pas un adieu, juste l’ombre de son sourire, une graine semée à jamais au fond de ma rétine, une feuille vierge, miroir de mon imaginaire.

« Je te reconnaîtrais entre mille » me disait-il…

Par contre, moi j’ai pu vérifier que de mémoire je ne reconnaîtrais ni sa main, ni ses lèvres, ni ses pieds, ni son sexe.

Dans mes draps humides, j’ai rêvé pendant des mois que l’on me demandait de le reconnaître seulement à la vue de ses doigts ou de ses orteils. Longs, fins, roses ou bruns écrasés ou boudinés. Je ne sais…c’est le néant.

J’aurais préféré que l’on me propose sa voix chaude et appuyée celle qui hante mes oreilles.

Le temps s’est écoulé comme un sablier géant. Année après année, comme un livre ouvert au hasard éternellement à la même page. Comme si le génie des lieux tenait mon corps prisonnier d’une montagne d’obstacles minuscules mais tellement prégnants.

De temps en temps, un éclair de lucidité et je retrouve vie, quelque fois un ciel dégagé rarement un éclair dans l’azur. Il m’a dit au « revoir « jamais « adieu ». J’en ai croisé des pieds…des mains. J’en ai tenté des procédures afin d’éclaircir cet épais mystère. Je suis toujours son esclave vingt ans après cela.

A chaque saison à la période des dernières fleurs d’automne, ma quête s’anime à nouveau et dure l’hiver entier. La thèse du crime a été un moment évoquée, mais aucun élément n’est venu étayer cette hypothèse et ma torture a continué.

Seul mon chat m’a accompagné avec amour et tendresse durant ces années. Les amis ont déserté. Mon corps a cédé sans bruit comme une muraille qui s’effrite en l’absence de soin et d’attention.

Je me disloque en petites particules. Mes rêves sont en lévitation. J’ai beau faire des pieds et des mains. Je ne peux quitter le théâtre de notre conversation ininterrompue.

C’est décidé je déménagerai.



(C) Geneviève BONIFAIT